Fièvre acheteuse

Publié le par Mamzelle C

J'avais prévu de vous faire un article sur la rentrée, et à quel point celle-ci était particulière, parce que, pour la première fois, je n'ai pas été regarnir ma trousse au supermarché avec des bic quatre couleurs et autres joyeusetés. Mais finalement, ça aurait dérivé sur un truc plein de spleen et d'angoisse sur le fait que c'est atroce de rentrer sur la marché du travail au terme de longues études et en pleine crise. Et finalement, comme j'ai passé le week-end à Lille, où se passait la fameuse Braderie de Lille, et que je me suis gavée de moules, de frites et de bière, j'ai renoncé. Ou plutôt, les évènements de ce week-end m'ont plutôt incité à rédiger un post sur mon héroïne du quotidien, à savoir mon ancienne colocatrice, lilloise de coeur en exil à Bruxelles (pas vraiment exilée donc) et stagiaire de son état, rongée par l'angoisse de trouver un travail (tout comme moi) mais bien décidée à profiter de la métropole nordiste pour le week-end.

Si vous ne connaissez pas la braderie de Lille, je vais avoir du mal à vous faire un dessin. Oubliez les tas de coquilles de moules, ça a été interdit pour des raisons sanitaires. Imaginez plutôt un truc joyeusement foutraque, avec des bradeux qui vendent leur trésor (de la bd "Batman contre Superman, le combat du siècle" à un coq en faïence, en passant par la sorbetière jamais utilisée et les anciens jouets des enfants qui ont quitté la maison, mais à qui on n'a pas demandé leur avis), et les habituels vendeurs de gadgets en tout genre : rape à légume ré-vo-lu-tion-naire, boule de lavage, parfums frelatés...Le tout noyé sous des litres de bière, des kilos de frites, et des tonnes de moules. Bref, un week-end à déambuler dans les quartiers de Lille, à sentir vraiment battre le coeur de la vie citadine (ce qui me changeait bien de la morne cité des sacres...). Et, parmi tous ces étals, des magasins qui en profitent pour solder les fins de séries, les collections d'il y a deux hivers, et les trucs qui ont résisté aux soldes tant leur prix était scandaleux. Notre héroïne, en bonne lilloise, m'a d'abord assuré que la braderie, c'était pas fait pour faire des affaires dans cette dernière catégorie de magasins, parce qu'après tout, la braderie, c'est fait pour chiner l'objet indispensable et drôle, comme le shaker à vinaigrette.

C'est donc dans un but de flânerie que nous nous sommes rendus dans le Vieux Lille, déambuler dans ces charmantes rues bordées de magasins de mode hors de prix. Mais, comme nous sommes d'irréductibles acheteuses, nous n'avons pas pu nous empêcher d'entrer dans un de ces magasins, dans lequel nous n'entrons jamais d'habitude (parce que ça se voit trop sur nous qu'on est de pauvres stagiaires, et qu'on pourra jamais s'offrir ne serait-ce qu'un t-shirt de créateur parisien). Oui mais voilà, la braderie, ça décomplexe, et ça décomplexe tant et si bien qu'on se retrouve à essayer une robe turquoise bustier à corset intégré (en retenant bien sa respiration) pour ressortir sous les vivats d'une amie enthousiaste (j'endosse ce rôle avec joie, je suis toujours prompte à encourager l'achat, si déraisonnable soit-il). Et c'est là que le drame intervient. En passant à la caisse, sous l'oeil ravi des vendeuses-qui-pourraient-être-mannequins (à croire que les créateurs parisiens sélectionnent toujours les vendeuses pour leur style et leur silhouette), alors qu'on pensait faire une bonne affaire, il s'avère que la robe en question coûte près du double de ce qui était annoncé sur l'étiquette. Il s'avèrera que les étiquettes se sont mélangées. Un coup du destin quoi. Bref moment de panique dans l'esprit de notre héroïne, qui voit fondre comme neige au soleil les indemnités de stage durement épargnées au fil d'énormes sacrifices (comme des vacances en Croatie). Et pourtant il faut prendre une décision, là, vite, parce que l'oeil de la vendeuse et son sourire sont acérés, et insistent. En quelques secondes, le choix est fait « je la prends », lâche notre héroïne, superbe dans ce moment de dilemme cornélien, dégainant la carte bleue, comme s'il s'agissait d'une broutille. Mais, à peine sortie, de la boutique, le surmoi de notre héroïne reprend le dessus :

« Et puis de toute façon, même si cette robe est scandaleusement chère, j'aurais plein d'occasions de la mettre, non ? Hein, dit ? Rien que le gala, en décembre, et puis le mariage de Memel et Philou ? De toute façon, j'aurais acheté deux robes alors ça revient au même..., déclare notre héroïne

- De toute façon, si les étiquettes se sont emmêlées, c'est le Destin, si ça se trouve, c'est dans cette robe-là que tu vas rencontrer l'homme de ta vie ! » A mon tour de soulager ses remords financiers en cherchant des justifications puériles.


Et pourtant, au delà du regret financier, au delà des justifications, notre héroïne a savouré le plaisir infini d'avoir au bras un sac siglé d'une boutique atrocement chère, dans lequel était nichée une robe, qui, une fois dans sa petite housse de plastique, procurera un bonheur incomparable à chaque contemplation. Celui d'avoir pu s'offrir, « comme une grande », un vêtement hors-de-prix, pour la première fois de sa vie. Avec des sous qu'on a gagné toute seule, à la sueur de son front (enfin plutôt à la sueur de ses petits doigts, qui pianotent sur l'ordinateur pour écrire des rapports sur la politique européenne en matière d'aquaculture). La vérité, c'est que cet achat inconsidéré est un vrai pied de nez, alors même que nous devrions investir dans de sinistres tailleur-pantalons et autres jupes cintrées pour préparer notre entrée sur le marché du travail. Car oui, entrer sur le marché du travail n'est pas que synonyme d'angoisse, il est aussi l'indéniable allié d'une garde-robe pas bien follichone. Et nous ne sommes pas prêtes à renoncer à ça. Alors, vite, trouvons du travail pour pouvoir (aussi) nous livrer à quelques achats scandaleux, qui rendent la vie plus belle.


Comment justifier la fièvre acheteuse en chanson ? C'est bien la question que je me suis posée. Et comme je ne savais pas quoi mettre, je me suis dit que vous pardonneriez bien de vous mettre une chanson de Wave Machines, parce ma fièvre acheteuse à moi, elle se passe (aussi hélas) dans une Fnac, ou un Virgin Megastore, et elle consiste à acheter 5 cds d'un coup. Dont celui-ci, et dont acte. 



 

 

Publié dans Septembre 2009

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J
Tu a du talent pour écrire, mais visiblement aucun pour négocié un achat chère ! Bon sais vrais sais pas toi sais ta copine.<br /> Et j’ai constaté que tu aime la musique anglo-saxonne, moi je préfère, stopa ,fitos y los fitipaldis , café quijano, jarabe de palo etc … normal je suis espagnol !
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M
Oh même nous on y est!!! PS : attention, toutes celles qui oseront être trop belles le jour J seront définitivement rayées de la liste d'amis (quoique je me dis que vous 2, vous le serez de toute façon, après les terribles révélations que vous ferez après quelques verres de trop) ;-)))
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M
T'en fait pas pour ça, tu seras la plus belle. Et pas besoin d'une robe de meringue pour ça : "le plus beau vêtement qu'une femme puisse porter, ce sont les bras de l'homme qu'elle aime"(Yves Saint Laurent). Toi, de ce côté là, c'est de la haute couture...
J
Wouhouh, c'est la consécration ! Je passe d'inspiratrice et référence savamment dissimulée à véritable héroïne à part entière d'un de tes posts... Grâce à toi, j'ai mon morceau d'éternité, même plus besoin de faire un enfant ;-) <br /> <br /> Je tiens quand même à préciser que je n'ai absolument pas eu besoin de retenir ma respiration pour tenir dans cette robe qui me fait des seins de baronne cochonne XVIIIe. Mais je t'autorise néanmoins cette licence dramatique... Tu me manques ma ptite bulle de champagne, j'ai déjà plein de nouvelles choses à te raconter.<br /> <br /> Ps: Demain, faut que tu nous parles de ton meilleur ami crypto-gay fan de woody allen, parce que je suis en train d'exploser mes quotas CSA d'exposition médiatique...
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M
Je vais y songer, c'est vrai que je parles trop de toi !