Marché aux puces
J'ai laissé un tant soit peu ce blog en friche cette dernière semaine, trop occupée que j'étais à faire ma Bécassine à Paris (ben oui, je suis bretonne, et malgré mon "soi-disant" accent parisien, je reste une petite provinciale), qui goûte à tous les charmes de la vie de working girl stressée, qui prend le train bondé de 8h42 en gare de Courbevoie, court dans les couloirs du métro, se pète un talon en braillant "meeeerdeuh", mais boit malgré tout des mojitos avec de vieux amis (d'ailleurs Phil, la prochaine fois, c'est moi paye) et apprécie son sandwich du midi avec son vieil ami de chez Rezo.
Bref, ma vie pas bien follichone ces derniers temps a retrouvé l'éclat d'un rayon de soleil sur la Seine (euh...je ne suis pas sûre de ma comparaison d'un seul coup), et du coup, j'ai pu profiter de petits dîners arrosés dans lesquels les réflexions les plus percutantes me sont venues. Tiens, l'autre soir, après une platrée de pâte carbo dans le minuscule appartement de ma soeur (dans le quel j'ai provisoirement emménagé), sa coloc nous montre fièrement sa dernière acquisition : un appareil photo "eyefish". Ah ouais. Mais qu'est-ce que c'est encore que ce gadget coréen ? Ce gadget coréen (de gadget, objet qui ne sert à rien) est un appareil photo qui fait des photos à peu près similaire à ce qu'on peut voir à travers le judas d'une porte. Donc, votre face énorme, arrondie, sur votre corps minuscule et filiforme. Très très amusant, totalement inutile. Mais surtout, cet appareil photo est la réédition d'un truc qui faisait absolument fureur dans les années 1990, et qui a été beaucoup utilisé dans les clips de weezer, nada surf et autres groupes de power pop. Pensez très fort skate, ados boutonneux en chemise de bûcheron, et voilà, vous y êtes. En plein dans Les Seigneurs de Dogtown. Et donc je n'ai pas pu résister au plaisir de montrer ma nouvelle acquisition, des lunettes vintage qui me donnent un petit air de poétesse-lesbienne-new-yorkaise des années 40. Bien sûr ce sont des lunettes noires, mais que je vais faire transformers en lunettes de vue, ce qui est ridicule quand on sait que je porte des lentilles depuis dix ans, parce que la seule évocation de lunettes sur mon nez me fait penser à une version rajeunie de Nana Mouskouri. Et, tout en lissant ma robe, qui me faisait un petit style Jackie O, je me disais que cette accumulation de détails, d'objets, que nous investissons du pouvoir de nous faire "ressembler à" une époque révolue était bien symptomatique de notre temps. Car, les éternels retours, du hippie chic au legging, en passant par les Doc Martens, sont bien le signe que les années 00's se cherchent un style désepérément. On est en plein dans "Du vintage pour le vintage".
Car finalement, à bien y réfléchir, même si la décennie 1980 a été probablement ce qui s'est fait de pire en matière de mode et de musique (sérieusement, le fuseau ET Depeche Mode ? Je suis contente de n'avoir été que demie consciente de cette décennie), après tout, ce style ridicule était l'emblème d'une époque. Les tailleurs méga-épaulés étaient le symbole des yuppies et autres working girl prêts à écraser la planète. Quant aux années 1990, on ne peut pas non plus parler d'une énorme avancée pour la mode...Je me souviens de ma cousine dans son short taillé dans un vieux jean, avec des Doc 18 trous (celles qui montent aux genoux, rarissimes de nos jours) et une chemise ovesized à carreaux rouges et noirs...Ceci dit, quand on regardera dans le rétroviseur, des années 2000, il restera quoi ? le petit look nombril à l'air de Britney Bitch dans le clip de Baby One More Time ? Ou le combiné jean slim-ballerines-sac longchamp-mèche, d'une platitude affligeante ? Peut-être bien que oui, c'est cette dernière option qui l'emportera, comme un étendard d'une ennuyeuse décennie, sans rêves ni révolutions. Comme tous ces clones du Starbucks boulevard Poissonière, qui, a 15 ans, ont un sac Gérard Darel au coude et un blazerboyfriend, le hit de la saison ? Dans dix ans, de quoi auront-elles honte en regardant les photographies, qu'est-ce qui leur rappellera que pour devenir des filles matures et sûres d'elles (et de leur garde-robe), il a fallu traverser moult errances capillaires et vestimentaires ?
Si c'est ça, moi je préfères ressembler à une poétesse lesbienne des années 40, avec mes lunettes à 10 euros de la braderie de Lille. Au moins, ce petit accessoire un peu ridicule me fera penser à une époque fantasmée, où tout semblait encore possible, dans lequel il restait des combats à mener et à gagner. Ces lunettes me donneront ce je-ne-sais quoi follement original (ou tout simplement ridicule), qui fera que je ne serais pas un des clones. Ca et aussi le fait que mon cuissot conquérant supporte mal d'être compressé dans un jean slim, je l'avoue, et que je n'ai pas le budget pour un it bag. Ou alors, ces lunettes un tant soit peu décalée, au lieu de me donner le charme impénétrable d'Olivia Sturgess, seront juste une errance stylistique de plus...et une étape vers le moment où, enfin, j'aurais le style qui me convient, tout en étant le reflet d'une époque grandiose et décadente à la fois. Genre berlin années 20 peut-être ? Je devrais peut-être investir dans une tenue de cabaret, avec porte-jaretelles et tout le tremblement, histoire de funkyser un peu cette décennie...
En attendant donc d'avoir le costume de nos rêves pour une soirée We are the 00's du futur, (qui ne sera donc pas un slim-ballerines, vous l'avez compris), replongeons-nous avec délice dans ces décennies où le pire était permis. Oui vous avez le droit (exceptionnellement) de ressortir votre vieille chemise de bucheron du placard (ou de piquer celle de grand frère/grande soeur). Et un jour, je vous raconterais peut-être ma folle histoire d'amour avec les Nada Surf.