J'suis snob

Publié le par Mamzelle C

Les premiers symptômes étaient flagrants, et auraient du me frapper davantage. Déjà, en m'entendant pontifier sur la la révolte des jeunes en Iran, en sortant de la projection des "Chats persans" dimanche dernier, j'aurais déjà du me corriger moi-même. Mais c'est surtout jeudi soir, en allant dîner dans un restaurant afghan de Montmartre (mais déjà quelle idée d'aller manger dans un restaurant afghan, comme si je pouvais pas aller chez le chinois comme tout le monde), que la foudre m'a frappée : je suis en phase de boboïsation maximale, maladie extrêmment contagieuse et insidieuse qui frappe par surprise mais qui laisse une marque indélébile. J'avais certes une tendance prononcée pour une certaine forme de snobisme culturel qui consiste à m'obstiner dans l'écoute d'indie-pop et d'indie-rock, dont le pire travers est quand même de brûler ce qu'on a adoré six mois avant au prétexte fumeux que "ça passe à la radio et à la télé, ayé, ils ont vendu leur âme au diable, ils vont plus faire que de la merde commerciale, et gnagnagna". On peut éphémiser et dire que c'est juste une certaine exigence intellectuelle, ou voir la vérité en face et reconnaître son propre snobisme.

Mais à ce snobisme déjà prononcé s'ajoute maintenant une boboïsation extrême. C'est sûr que j'étais prédisposée, si l'on considère déjà qu'au saut du lit, j'écoute France Inter et buvant une tasse de thé bio (ce qui me sauve de cet infâme cliché qu'on pourrait pratiquement trouver dans une chanson de Vincent Delerm, c'est que j'ai un immonde pyjama en pilou quand je me livre à cette coupable activité). Cerise sur le gâteau, j'ai été acheter un manteau sur Urban outfitters.com, sur le prétexte fallacieux qu'au moins je ne trouverai personne à Paris portant le même. Je crois être officiellement perdue pour la communauté. Devant ce brut étalage de faits, je ne peux que constater la dure réalité des choses : je suis une bobo doublée d'une snob, donc un individu moralement misérable, qui tient des grands discours sur la solidarité (tiens c'est bien le moment avec ce qui se passe en Haïti, et c'est vraiment tragique tout ça, on dirait que ce pays est confonté à une forme de fatalité qui l'empêche de se ... hé ho ressaisis toi là !), ou l'écologie (c'est terrible l'échec de la conférence de Copenhague, notre maison brûle et... ben vas-y recommence, tu veux pas enchaîner sur l'Iran aussi pendant que tu y es ? ).

Mais heureusement, j'ai quelques petites lueurs d'espoir au bout de ce tunnel de médiocrité. Oh, des toutes petites lueurs, de type luciole, mais du genre qui font des petits flash de conscience dans mon cerveau très légèrement embrumé. Déjà, je suis capable de voir mes travers (ok, pas tous). Et le fait que je procède à cet examen de conscience un dimanche après-midi, dans un appart mal isolé où il fait environ 15°, et qui m'oblige à porter un infâme sweat à capuche Nike (Nike ? Non mais tu te rends compte que Nike c'est la globalisation incarnée ? Tiens la voilà qui recommence celle-là), et que mon programme de l'après-midi consistera probablement à regarder M6 Replay vautrée dans mon canapé me rassure un peu. Un tout petit peu. Je dois confesser que ce qui soulage un tant soit peu ma conscience, c'est de croire que tant que je suis capable de dire à la face du monde que je n'aime rien tant dans la vie que de regarder des téléfilms de M6, et que je n'ai pas besoin de me justifier avec des explications fumeuses du style "tu vois c'est fascinant, je songes à rédiger un essai sur les stéréotypes de genre dans ces fictions", que je vis dans 25m² avec une colocataire (qui hélas, est aussi sur la pente glissante de la boboïsation), et que je bosse dans le secteur le moins glamour qui existe (une banque d'investissement, ce qui signifie que la moitié de la planète me considère comme une dangereuse alliée du diable), et que je n'ai jamais foutu les pieds chez Colette (même si je songes sérieusement à déposer une liste d'installation chez Fleux, pour le jour où je pourrai me payer autre chose qu'une maison de poupée avec des murs en carton). Quand j'additionne tout ça, je me dis que j'ai encore un peu de recul sur moi-même, et que si je n'échappes pas complètement à la boboïsation, une partie de moi restera capable de se moquer de l'autre, qui porte une écharpe en cachemire bio et planifie des week-ends à la campagne "pour respirer de l'air pur, mais pas plus de deux jours, parce qu'on s'emmerde quand même loin de Paris". L'espoir fait vivre. 



Tant qu'à être une infâme bobo, autant assumer. Donc, comme tout bobo qui se respecte, si je n'ai pas un boulot sexy, mes amis eux, en ont un. Ou en tout cas y travaillent. Permettez moi de vous présenter Christophe A. Anthony M. et Arnaud FB., qui aiment les nains (et font de la pub, entre autre)

C'est à regarder par là.


 




 

Publié dans Janvier 2010

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